
À l'occasion d'un séminaire gouvernemental organisé le 27 mars dernier, le premier ministre d'alors, Gabriel Attal, déclarait que "le travail était le premier combat du gouvernement". En effet, les mutations récentes du travail nécessitent bien un encadrement politique. Car, au cours des dernières décennies, les conditions de travail des Françaises et des Français se sont transformées de façon drastique sous l’effet d’évolutions technologiques et managériales qui se traduisent essentiellement par la dématérialisation du travail (travail à distance, management algorithmique) et par l’externalisation des tâches non directement productives (nettoyage et maintenance des infrastructures, notamment). Des transformations qui ont conduit à l’apparition de nouvelles modalités de travail, parmi lesquelles : le télétravail, le travail de plateforme (celui des chauffeurs Uber ou des livreurs UberEats ou Deliveroo, par exemple), ou encore la sous-traitance du travail du soin (celui des choses aussi bien que des vivants).
Pour autant, et faute d'accompagner politiquement ces transformations, monsieur Attal s'est contenté de quelques déclarations, parmi lesquelles celle de vouloir mieux « prendre en compte l’articulation entre vie professionnelle et vie privée », en généralisant la "semaine en quatre jours". Or, la semaine « en 4 jours » n’est pas la semaine « de 4 jours ». Cela, monsieur Attal le savait sans doute très bien, entretenant peut-être à dessein l’ambiguïté sémantique de manière à paraître lancer un chantier moderne et audacieux – celui de la réduction du temps hebdomadaire de travail – sans en avoir à payer le prix – celui d’un travail plus cher. Contrairement à la semaine des 32 heures, la semaine en 4 jours consiste à maintenir le temps de travail actuel en le compressant en quatre jours plutôt que cinq. Autrement dit, à intensifier le rythme de travail.
Par conséquent, Si le Premier Ministre avait raison de s’inquiéter de l’emploi du temps des travailleurs aussi bien que de la recherche d’un meilleur équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, pourquoi n'a-t-il pas lancé une vaste réflexion sur le temps de travail, plutôt de tenter de tromper ses administrés avec un langage équivoque ? Et si le gouvernement avait raison de considérer le « travailler-mieux » comme l’un des enjeux majeurs du moment, pourquoi n'a-t-il pas ouvert un vrai débat sur le sujet, plutôt que de le traiter dans l’entre-soi d’un séminaire, et même de l’abandonner au profit d’un déjà bien usé « travailler-plus » ?
Sur tous ces sujets, les travailleuses et les travailleurs français méritent mieux que des coups de communication. Ils méritent mieux aussi que des décisions fondées sur des rapports d’experts souvent bien éloignés des réalités du terrain et pétris de préjugés. Ils méritent un dialogue ouvert et public impliquant les parlementaires, les syndicats et les travailleurs eux-mêmes : un vrai débat démocratique.
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